FAUTE DE VOLONTE CONTRAIRE, INFORMATIQUEMENT ENREGISTREE, CHAQUE CITOYEN SERA CONSIDERE COMME DONNEUR.
À partir du 1er janvier 2017, les règles du don d’organes seront modifiées. Faute de volonté contraire, informatiquement enregistrée, chaque citoyen sera considéré comme donneur.
C’est ce qui résulte de l’application d’un amendement de la loi Santé, adopté en 2015 : « Ce prélèvement peut être pratiqué dès lors que la personne majeure n’a pas fait connaître, de son vivant, son refus d’un tel prélèvement. Ce refus est exprimé par l’inscription sur un registre national automatisé prévu à cet effet. Il est révocable à tout moment. Les proches du défunt sont informés des prélèvements envisagés et de la finalité de ces prélèvements. »
Officiellement, cet amendement vise à faciliter les dons d’organes. Auparavant, à défaut d’un document précisant le choix de la personne concernée, le corps médical était dans l’obligation de demander l’avis des familles. Désormais, ce sera plus simple : le médecin pourra accéder en ligne au registre national des refus et la consultation des proches n’aura plus le même caractère juridique.
L’amendement se fonde sur un constat : « Dans la majorité des cas, [l’] opposition est exprimée par une famille qui, faute d’information sur le choix du défunt, refuse, par précaution, le prélèvement d’organes. » Il convient donc d’« individualiser pleinement le choix du don d’organes », de « renforcer le principe du consentement présumé au don » et de « faire reposer le droit d’opposition de chacun au prélèvement de ses organes, uniquement par l’inscription sur le Registre national du refus, prévu à cet effet ».
Les intentions affichées : pallier la pénurie des dons d’organes, pour sauver plus de vies. Pourquoi ne pas s’en réjouir ? Mais, à y regarder de plus près, on s’aperçoit que la nouvelle réglementation pose des problèmes d’ordre éthique et philosophique.
D’abord, tous les Français deviennent des donneurs par défaut : « Qui ne dit mot consent », assure l’adage. Pourtant, il eût semblé plus logique, puisqu’on modifiait la loi, de prendre des dispositions pour inciter à exprimer à l’avance son consentement plutôt que son refus.
Ensuite, pourquoi exclure les proches du processus de dialogue dans la prise de décision ? Parce que, selon les rapporteurs, « la décision demandée à la famille vient ajouter une douleur supplémentaire dans un moment difficile, et bien souvent, plus tard, le regret d’avoir exprimé un refus » : quelle compassion ! En conséquence, le dialogue se réduit à « un dialogue d’information ».
D’aucuns diront que, si ce n’est pas un progrès, c’est un moindre mal qui permet de procéder à des greffes plus nombreuses. Peut-être. Mais il reste un dernier problème, beaucoup plus grave.
Cette nouvelle législation nous entraîne un peu plus sur la voie d’une conception étatiste du prélèvement d’organes. On pourrait même parler, en empruntant la formule d’un philosophe, d’une « nationalisation des corps ». Une fois atteint l’état de coma avancé, le corps n’appartient plus à l’individu, encore moins à sa famille : il revient à la puissance publique. Ce qui était, au départ, un don généreux tend à devenir une obligation imposée au nom de l’intérêt général. On peut, certes, s’opposer à un prélèvement : on risque d’être montré du doigt et tenu pour moralement responsable de la mort d’autrui.
Une telle perspective fait peur. Dans les mentalités, le corps deviendrait un objet dont certains éléments peuvent être recyclés. C’est déjà un peu le cas avec les « bébés-médicaments », appelés aujourd’hui « bébés du double espoir » pour minorer le reproche d’instrumentalisation de l’enfant à naître et justifier une pratique consistant en la sélection d’un embryon et la mise en route d’un enfant conçu comme un donneur potentiel.
Nationalisation, matérialisme et utilitarisme à outrance : c’est aussi l’héritage du socialisme.
Article Boulevard Voltaire du 01.01.2017 >>>